Judith Levy : co-fondatrice de MÊME

A l'occasion d'Octobre rose, Atelier Nubio interview 3 femmes qui éveillent nos consciences et nos corps au sujet du cancer. Troisième interview : Judith, co-fondatrice de MÊME.

MÊME c’est la première marque dermo-cosmétique dédiée aux personnes concernées par le cancer. Depuis février 2017, MËME conçoit des soins cosmétiques pour prévenir et lutter contre les effets secondaires des traitements anticancéreux sur la peau. Développés avec des femmes sous traitements et soumis à une charte de formulation très stricte, les produits MÊME répondent aux besoins spécifiques des peaux fragilisées par les traitements contre le cancer (cuir chevelu irrité, syndrome mains-pieds, ongles noircis…), associés à des galéniques douces et agréables. Interview avec Judith, co-fondatrice avec Juliette de MÊME Cosmetics.

Où sont vos racines ?

Là où sont les racines de chacun, dans nos familles respectives. MÊME c’est l’histoire de ma maman, de la maman de Juliette, de ses tantes. C’est aussi l’histoire de toutes les incroyables rencontres qu’on a pu faire depuis maintenant 5 ans. À l’époque, nous n’avons pas pu aider nos proches comme nous l’aurions voulu. Nous prenons notre revcanche aujourd'hui en engageant toute notre énergie dans ce projet, MÊME qui vient en aide à toutes les familles qui sont touchées.

Que faisiez-vous avant de créer MÊME ?

Juliette a suivi ses études à HEC et Sciences Po Paris, et j’ai étudié à Strate, Ecole de Design à Paris. Nous nous sommes rencontrées alors que nous faisions toutes les deux notre stage de fin d’études dans une grande marque de cosmétiques. Nous avons un coup de cœur amical, je lui ai vite raconté mon histoire et mon projet, et elle a tout de suite tout compris. Ensemble, nous avons décidé de nous lancer.

Quand avez-vous su que MÊME serait le projet qui vous ferait vibrer ?

L’élément déclencheur a été la présentation de mon projet de fin d’études - une ébauche de MÊME - à Strate. Ce qui était jusque alors une marque dédiée à ma maman a eu un écho incroyable auprès de mon jury, qui se reconnaissait de près ou de loin dans les problématiques que MÊME adressait. J’ai compris que cela nous concernait tous et qu’il y avait un réel besoin. En rencontrant Juliette, nous avons tout de suite su que nous formerions l’équipe parfaite pour exécuter l'idée.

Quel a été l’obstacle principal au lancement de MÊME ?

Nous avions besoin de fonds pour pouvoir développer les produits et les faire tester cliniquement sur des personnes sous traitements anticancéreux. Une étude clinique coûte très cher ! Et nous ne pouvions lancer MÊME sans avoir des produits parfaitement adaptés. Nous avons eu la chance de pouvoir rencontrer des personnes qui ont cru en notre projet et qui ont voulu nous aider, en acceptant que nous ne les payons que lorsque la marque serait lancée. Sans eux, MÊME n’aurait jamais vu le jour.

Les cosmétiques conventionnels peuvent-ils aggraver la santé (ou être des facteurs cancérigènes) ?

Peu de choses ont été prouvées scientifiquement pour le moment et la législation européenne est plutôt stricte. Les ingrédients dont la nocivité a été démontrée ont immédiatement été interdits. Le problème réside dans le fait que de nouvelles découvertes sont faites tous les jours, de plus en plus d’actifs sont retirés des produits. Cela n’inspire aucunement confiance. Globalement, et c’est tant mieux, nous sommes davantage sensibilisés au fait que rien ne vaut les actifs naturels pour prendre bien soin de nous en toute sécurité. Chez MÊME, parce que nous nous adressons à un public fragilisé et qui remet tout en question, nous avons été de fait précurseurs sur le secteur des cosmétiques « propres » (clean beauty).

En quoi les produits MÊME sont-ils particulièrement adaptés aux femmes souffrant du cancer ? Sont-ils aussi recommandés aux femmes en rémission ?

Les personnes sous traitements anticancéreux ont des besoins très spécifiques : le cuir chevelu, la peau, les ongles, les cheveux et poils sont touchés par les traitements, de manière parfois très violente et douloureuse. Le fait de perdre ses cheveux par exemple, ce n’est pas seulement une épreuve psychologique, cela peut être aussi très inconfortable au quotidien avec un cuir chevelu qui démange, un port de la perruque qui devient vite un calvaire, etc…

Nos produits sont conçus pour ces personnes et avec elles, les premières concernées. Ils sont testés cliniquement sur des personnes sous traitements anticancéreux pour valider leur efficacité et leur tolérance sur des peaux plus fragiles. Et ils sont aussi adaptés à un quotidien un peu perturbé pour être vraiment une aide et pas une contrainte. Notre Brume pour le Cuir Chevelu par exemple, nous l’avons voulue à la fois très efficace pour lutter contre les démangeaisons, et aussi non grasse et très légère pour pouvoir l’utiliser à n’importe quel moment et remettre sa perruque tout de suite après.

Ils sont aussi parfaitement adaptés aux personnes en rémission et même aux personnes en bonne santé, qui ont juste envie de prendre soin de leur peau en toute sérénité.

Quel a été/quel est votre fuel pour continuer toujours plus loin avec la même exigence ?

Nous recevons tous les jours des dizaines de mots d’amour de femmes concernées, de proches, de personnes en rémission… qui nous remercient pour nos produits, pour l’aide que cela leur a apporté au quotidien, qui nous remercient simplement de penser à elles en leur dédiant nos produits. C’est assez incroyable de lire cela tous les jours, et cela nous poussent à aller toujours plus loin, à faire toujours mieux !

Quel a été votre moment de plus grande joie et/ou soulagement ?

Il y en a eu de nombreux depuis le départ ! Mais un des moments les plus forts a été la rencontre avec notre premier laboratoire, dont le directeur nous a écoutées parler. Il a écouté nos histoires et nos projets, il en a été extrêmement touché et a donc accepté de mettre ses équipes sur la production de nos touts premiers produits, en nous laissant un délai de paiement illimité, pour que nous puissions lancer la marque sans avoir a avancer l’argent que nous n’avions pas. C’est grâce à lui – et à d’autres bienfaiteurs - que MÊME en est là aujourd’hui.

On associe souvent le cancer à la perte des cheveux dus à la chimiothérapie. Quels sont les principaux effets indésirables de la maladie ?

Effectivement, au-delà de l’alopécie, qui ne concerne pas seulement les cheveux mais la perte de toute pilosité, y compris les cils et les sourcils, la chimiothérapie assèche énormément la peau et la photosensibilise considérablement. Les ongles sont également mis à rude épreuve, ils deviennent plus fragiles, peuvent noircir, et même tomber.

Les effets d’assèchement de la peau sont encore plus prononcés sur les mains et les pieds, touchés parfois par ce qu’on appelle le syndrome main-pied. La paume des mains et la plante des pieds deviennent si abîmées qu’il devient parfois difficile de tenir un stylo, de mettre des chaussures et de marcher.

Les muqueuses sont aussi concernées.

Au-delà de ces effets cutanés, les chimiothérapies provoquent une modification de l’odorat et du goût, des nausées, parfois des douleurs articulaires et une grande fatigue. Ce sont des traitements qui sont très difficiles à supporter pour notre corps, et qui modifient considérablement notre quotidien et notre routine de soin.

Prendre soin de sa beauté alors que le corps va mal – est-ce un geste essentiel ?

C’est surtout l’un des seuls moyens d’action que l’on a, en tant que malade, pour s’occuper de soi. Lorsque l’on passe ses semaines entre l’hôpital, la maison, le travail quand on peut continuer, et que l’on est complètement entre les mains de son équipe médicale, pour garder le dessus, garder le moral et préserver son estime de soi, prendre soin de soi est primordial. Chez MÊME, on est même persuadés que cela nous aide à mieux lutter contre la maladie.

Quels dispositifs sont mis en place pour aider les femmes à se « ré-aimer » ?

Les soins de support sont un sujet de plus en plus traité dans les hôpitaux, et c’est tant mieux ! De nombreuses associations, des socio-esthéticiennes et des socio-coiffeurs parfois affectés aux hôpitaux eux-mêmes, des psychologues, etc… Les dispositifs et les acteurs sont de plus en plus nombreux pour aider les femmes à se réapproprier leurs corps qui est passé par l’épreuve de la maladie. C’est parfois simplement la connaissance de ces dispositifs qui manque !

Quel message souhaitez-vous faire passer aux femmes souffrant de cancer pour qu’elles se sentent plus fortes ?

Notre petit mantra préféré : « La vie ce n’est pas d’attendre que l’orage passe, c’est d’apprendre à danser sous la pluie. » Sénèque

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Auto-palpez-vous par Dr Diane Bourgasser, gynécologue